La prostitution
D'après le rapport mondial sur l'exploitation sexuelle publié par la Fondation Scelles en janvier 2012, entre quarante et quarante-deux millions de personnes se prostitueraient à travers le monde. Parmi elles, 75 % auraient entre treize et vingt-cinq ans, et 80 % seraient des femmes, voire des fillettes. Ce rapport précise également que le nombre de prostituées en Europe occidentale s'élèverait quant à lui à un ou deux millions de personnes et qu'il s'agirait surtout des femmes migrantes victimes de la traite des êtres humains. (Rapport mondial sur l'exploitation sexuelle, Éditions Economica, janvier 2012)
En Belgique, bien que la prostitution ne soit pas une activité illégale en soi,elle s'exerce souvent dans un contexte d'illégalité et de clandestinité. Dans la pratique, la limite entre prostitution légale et illégale (proxénétisme, prostitution contrainte, personnes en séjours précaire ou illégal, etc.) est parfois floue. D’autre part, il existe une multiplicité de formes de prostitutiondont certaines sont cachées ou peu visibles.
Données quantitatives et qualitatives
En Belgique, on estime que le nombre de personnes qui se prostituent oscille entre quinze et vingt mille, dont 80 % seraient des femmes, 15 % des transsexuels et 5% des hommes. Ces chiffres correspondraient donc, dans la tranche d'âge vingt à cinquante ans, à environ une femme active sur cent. (Sex work in Europe, A mapping of the prostitution scene in 25 European countries, European Network for HIV/STI Prevention and Health Promotion among Migrant Sex Workers, 2009)
L’association belge Isala présente les données suivantes :
- En Europe, 7 à 40% des hommes sont clients de la prostitution.
- Le propriétaire d'une vitrine rue d'Aerschot (Bruxelles) touche 300 000 euros par an.
- 70% des personnes prostituées souffrent de stress post-traumatique.
Ces quelques chiffres montrent l’enjeu que représente la prostitution dans nos sociétés. Ces enjeux sont d’ordre juridique et lié à la protection des prostitué-e-s, à l’exploitation et à la traite des êtres humains comme à la répression des proxénètes et des clients, d’ordre économique (la prostitution représente des revenus non négligeables pour les proxénètes), et d’ordre psychologique et physique (les prostitué-e-s sont souvent victimes de mauvais traitements, de violences verbales et physiques, etc.).
La prostitution, une question politique
Le traitement de la question de la prostitution se divise en deux courants distincts : le courant abolitionniste et le courant réglementariste.
- Le courant abolitionniste est en faveur de l’abolition de toutes les législations concernant la prostitution. Selon ce courant, les prostitués sont victimes du système patriarcal et réglementer la prostitution revient à l’accepter. Une des grandes victoires des abolitionnistes, au niveau international, est la Convention sur la répression de la traite des êtres humains et l’exploitation de la prostitution d’autrui. Le prolongement du courant abolitionniste est le néo-abolitionnisme. Celui-ci va plus loin et défend que la meilleure stratégie pour pénaliser la prostitution revient à pénaliser les clients.
- Le courant réglementariste apparaît quant à lui dans les années 1970, émanant de prostituées se positionnant dans le débat public en revendiquant un statut pour leur profession, avec un contrôle et une règlementation. Les féministes adhérant à ce courant sont peu nombreuses. Une des raisons invoquées contre cette position est en effet que, si elle peut faire sens au niveau du choix individuel, elle semble peu porteuse d’évolution au niveau de la société dans son ensemble.
Prostitution et traite des êtres humains
Dans les grandes villes d’Europe de l’Ouest, entre 50 et 90 % des femmes dans la prostitution sont de nationalité étrangère.
D’après les Nations Unies, 58 % des cas de traite le sont à des fins d’exploitation sexuelle et les femmes constituent 75 % des victimes de traite à des fins sexuelles. Une part de la prostitution constitue donc la forme la plus préoccupante de traite des êtres humains (La prostitution en Région de Bruxelles-Capitale, Observatoire bruxellois pour la prévention et la sécurité, 2014).
La Convention des Nations Unies du 2 décembre 1949 adoptée par son Assemblée Générale et ratifiée par 17 États membres de l'Union Européenne, dont la Belgique, affirme dès son préambule que « la prostitution et le mal qui l'accompagne, à savoir la traite des êtres humains, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine ».
En Belgique, le gouvernement a ratifié en 1965 la Convention des Nations Unies pour la Répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui et l’a intégré dans son code pénal. Toutefois, dans les faits, on constate que les efforts visant àlutter contre toutes les formes de proxénétisme, à soutenir les personnes prostituées dans leurs efforts de réinsertion, et à mettre en place une politique de prévention de la prostitution, portent peu de fruits à l’heure actuelle et que ces activités prospèrent.